Retrouver l’estime de soi et repartir dans la vie grâce au foot
A Mouscron, deux équipes sont coachées et accompagnées par des éducateurs de l'association « Terre Nouvelle ». Et c'est l'Excelsior de Mouscron qui les parraine.
La Belgian Homeless Cup, compétition pour les personnes sans-abri, est née en 2008. En 2019, l'organisation a choisi de changer de nom et est ainsi devenue « Younited Belgium ». Ce sont aujourd'hui 28 équipes réparties sur tout le territoire belge qui permettent à des personnes fragilisées de se rencontrer, d'améliorer leur condition physique et donc leur santé, d'avoir des objectifs communs, de développer une image positive d'elles-mêmes, et peut-être ainsi de retrouver un accès à l'aide sociale, à la formation et à l'emploi. Chaque équipe est le fruit d'une collaboration entre un club de football et des organisations sociales. Sur les 10 équipes wallonnes, 6 se trouvent dans notre diocèse.
Lucie Bricout est la responsable Wallonie de Younited Belgium : « Localement, avec les joueurs, nos objectifs sont de renforcer la confiance en soi, créer des liens avec d'autres personnes, renforcer la condition physique, bref travailler toute cette identité affaiblie par un quotidien difficile. Une équipe est un tremplin, une force pour ces experts en survie quotidienne, comme on les appelle. »
Au niveau national, l'association veut offrir aux travailleurs sociaux un outil qui se distingue des autres : « Cet outil permet à nos joueurs et joueuses de ne plus être étiquetés comme des sans abri, des toxicomanes, des bénéficiaires. A partir du moment où ils passent la porte du vestiaire, ce sont des joueurs, des joueuses, point. »
Le sport qui rassemble
A Mouscron, la maison d'accueil « Terre Nouvelle » existe depuis environ 40 ans. Elle a été fondée par l'abbé Jean-Yves Pollet et est aujourd'hui dirigée par Etienne Dispa. Elle compte trois implantations : l'une abrite 18 hommes, l'autre prend en charge 18 femmes et enfants, tandis que la ferme Saint-Achaire, maison de vie communautaire, rassemble 14 personnes. Depuis 13 ans maintenant, le foot fait partie des activités de l'asbl : « C'est un sport populaire, accessible à tout le monde », explique Vincent Broucke, éducateur et cheville ouvrière de cette activité sportive. « Il ne faut pas grand-chose, un ballon et des baskets. On a commencé à jouer dehors sur des terrains vagues. Petit à petit, ça a pris un peu d'ampleur, on a formé une vraie équipe. »
Aujourd'hui, Terre Nouvelle compte une équipe hommes coachée par Vincent et une équipe femmes accompagnée par Marina. Toutes deux sont inscrites dans le championnat mis sur pied par Younited Belgium. « Grâce à cela, on a une salle, un partenariat avec l'Excelsior, avec différents sponsors. Cela permet aux gens d'avoir un but en plus de tout ce qu'ils font ici pour leur réinsertion sociale. En plus c'est fédérateur, le foot nous rassemble. »
Des effets bénéfiques visibles
Emilie Courtens, assistante sociale à Terre Nouvelle, rencontre des personnes en grandes difficultés : « Les personnes qui viennent ici se retrouvent bien souvent sans abri. Parfois elles font appel à la famille mais à un moment donné elles appellent la maison d'accueil. On les reçoit et on essaie de leur apporter une solution. L'hébergement peut se faire ici pour une durée de neuf mois. » L'aide proposée par Terre Nouvelle ne se limite pas à l'hébergement, de nombreuses démarches peuvent être effectuées aux côtés de ce public en situation précaire. « Quand les personnes arrivent ici, on fait le point sur leur situation. Il faut être en ordre pour les soins de santé. Parfois certains n'ont même plus de carte d'identité... »
Le foot faisant partie intégrante de la vie de la maison, les nouveaux hébergés sont vite au courant de cette activité à leur disposition. Et pour Emilie, les effets positifs sont évidents : « On pense que certains ne sont pas très sportifs mais ils se révèlent, parfois. C'est surtout l'effet cohésion de groupe qui m'interpelle, ils sont partie prenante du projet. Le sentiment d'appartenance est très fort et on ne se sent plus tout à fait inutile, parce que c'est ce qui se passe un peu quand on a tout perdu. Le fait d'avoir un certain rythme, de se motiver à y aller, la notion de fair-play entre les joueurs, cela donne vraiment une énergie positive. D'ailleurs certains retrouvent un appartement mais continuent à venir jouer. »
A Terre Nouvelle, Emilie Courtens, assistante sociale, et Vincent Broucke, éducateur,
constatent les bienfaits d'une activité sportive collective sur le bien-être
et l'estime de soi des hébergés de la maison d'accueil.
Se dépasser et grandir
Les véritables vedettes de ce projet, ce sont bien entendu les joueurs et joueuses qui s'entraînent chaque semaine, participent aux tournois, représentent parfois leur équipe et la Belgique à l'étranger. Aurélie est une « ancienne » de Terre Nouvelle. Le foot, c'est sa bulle d'oxygène, le moment où elle oublie tous ses soucis.
« L'aventure a commencé il y a deux ans et demi. Je pratiquais beaucoup de sport étant plus jeune puis j'avais diminué, en vieillissant, en étant maman et dans la vie active. Le foot, je n'en avais fait que dans une cour de récré, jamais dans une équipe. Ici, dans l'équipe des filles de Terre Nouvelle, c'est l'aventure, c'est l'humour, on essaie de donner le meilleur de soi-même. Je m'entends hyper bien avec ma coach Marina, qui est un peu comme une grande sœur ; ça me motive à venir toutes les semaines. C'est mon petit bol d'air à moi, en tant que maman, en tant que personne, le moment où je peux souffler pour moi. »
Des galères, Aurélie en a connues, et ce n'est pas vraiment fini. Mais quand elle parle de son équipe, des entraînements ou des tournois auxquels elle a participé, ses yeux se mettent à briller : « J'ai fait un entraînement il y a deux ans et demi, la semaine d'après je partais en Pologne pour un tournoi de deux jours avec l'équipe des filles. En 2019, je suis partie pour la coupe du monde, la Homeless Worldcup, à Cardiff. Là, on se rend compte qu'on est des équipes qui venons des galères à la base, on est tous là pour se battre mais ça reste fair-play. Ça donne une estime et une confiance en soi que je ne peux même pas expliquer. C'est très éprouvant, une coupe du monde, mais on en ressort grandi. »
- Retrouvez ces interviews dans leur intégralité dans le podcast de l'émission « Près de chez vous - Hainaut » diffusée sur 1RCF :
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Créé parDiocese de Tournai
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