



Migration : Vivre Ensemble traque les idées reçues
Crise des réfugiés, migrants, transmigrants, Parc Maximilien, flux migratoires : depuis 2015, la migration fait régulièrement la Une des journaux, bouscule le monde politique, s'invite dans les débats télévisés, déchaîne les commentaires sur les réseaux sociaux. Presque tout le monde a un avis, son mot à dire. Mais finalement, que sait-on vraiment de ce phénomène vieux comme le monde ?
« Ils viennent nous prendre notre travail », « Et nos pauvres ? », « Ils ne veulent pas s'intégrer », « Ce sont des terroristes », « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde », « Nous sommes envahis »... La liste des peurs et des reproches associés à ces « autres » venus de Syrie, de Palestine, d'Irak, du Soudan, d'Ethiopie ou encore d'Erythrée est souvent bien plus longue que les images positives qu'ils peuvent générer. Bien que présent quasiment chaque jour dans les médias, au gré d'une joute politicienne ou d'un drame en Méditerranée, le sujet reste délicat, source de tensions, au sein même de nos familles et de nos groupes d'amis.
« Trouvez-vous que les réfugiés sont trop nombreux chez nous ? Et savez-vous combien ils sont ? ». Ces deux questions, Renato Pinto, coordinateur régional à Vivre Ensemble, les pose souvent, à des étudiants, dans une assemblée. Et obtient toujours les mêmes réponses : oui... et non. Constatant par ailleurs que ce thème de l'accueil ou du non-accueil revenait fréquemment lors des diverses activités de l'asbl, l'idée de consacrer une journée pour s'informer, approfondir, échanger et prendre du recul a fait son chemin. Et c'est ainsi que ce 31 janvier 2019, le module « Des murs ou des ponts ? » a rassemblé une vingtaine de personnes à la maison diocésaine de Mesvin.
|
|
|
Notre identité, c'est quoi ?
Plutôt que les longs discours, cette petite formation privilégie l'échange actif des idées et des points de vue. En petits groupes, les participants ont notamment planché sur la question de l'identité. Se résume-t-elle aux quelques mentions qui figurent sur le bout de plastique gardé précieusement dans notre portefeuille ? Un lieu et une date de naissance, un nom, le sexe... Ce que nous sommes – nous et toutes ces personnes qui se déplacent - est évidemment bien plus que cela, et surtout bien plus qu'une nationalité : c'est aussi notre famille, nos passions, nos études, notre travail ou l'absence de travail, nos croyances, les obstacles et les joies qui ont émaillé notre vie, nos projets, nos rêves.
Après avoir défini quelques valeurs communes qui constituent les racines de notre vivre ensemble, chaque groupe a ensuite été invité à dresser une liste de toutes les images négatives et positives véhiculées par celles et ceux qui ont quitté leur pays pour se construire ailleurs un avenir meilleur. Sans surprise, les colonnes des « idées qui courent » sont très déséquilibrées et le négatif prend largement le dessus. En la matière, l'opinion publique n'en est d'ailleurs pas à un paradoxe près : ces étrangers sont à la fois qualifiés de menace pour notre emploi et de profiteurs du système...
Notre perception et la réalité
Avril 2015. Parti de Libye, un chalutier avec à son bord 700 migrants chavire en pleine nuit au large des côtes italiennes. Il y aura très peu de survivants. Pour Renato Pinto, l'ampleur du drame marque le début d'une surmédiatisation du phénomène migratoire, même si depuis longtemps déjà des corps sans vie jonchent presque chaque jour les plages de l'île de Lampedusa. On en parlera alors souvent en termes d'invasion et de crise migratoire. « Pourtant, il y a eu moins de demandes d'asile en 2015 qu'en 2000, un pic lié à la guerre au Kosovo mais qui a fait beaucoup moins de bruit médiatique », explique le coordinateur de Vivre Ensemble.
Autres chiffres interpellants : 85% des personnes déracinées se trouvent dans des pays en développement, et donc pas en Europe ; plus de la moitié des personnes déplacées restent à l'intérieur-même de leurs frontières. Seuls les hommes se déplacent ? Faux. Aujourd'hui, près de la moitié de ces personnes en errance sont des femmes. En Belgique, seuls 11% des habitants n'ont pas la nationalité belge. Les nationalités étrangères les plus représentées ? La France, suivie de l'Italie et des Pays-Bas. Et ce sont souvent les gens les plus qualifiés qui quittent leur pays, car ils ont plus de chance que d'autres de trouver un travail et de s'intégrer. Un vrai « plus » pour dynamiser l'économie européenne.
Pourtant, malgré ces chiffres qui relativisent sérieusement notre perception du phénomène, l'Europe continue à dresser des murs et ériger des barrières, pour devenir une « Europe forteresse ». « Mais cela n'arrêtera pas les flux migratoires », insiste Renato Pinto. « Les gens continueront à se déplacer, sauf qu'ils devront le faire par des voies plus dangereuses et parfois en faisant appel à des passeurs, car il n'y a plus de voies légales ». Transformant toujours plus la Méditerranée en cimetière...
- À lire aussi : Question de terminologie...
-
Créé parDiocese de Tournai
-
Tags