



Vigile de Pentecôte Cathédrale 23 mai 2015
Homélie
Vigile de Pentecôte
Cathédrale
23 mai 2015
Depuis le début de cette célébration, nous avons eu quelques facettes de notre itinéraire de foi, ancré dans la grande tradition de la Bible, de la Parole de Dieu, illuminée par la Pâque de Jésus. Et, inscrite dans cette Pâque de Jésus, le don de l’Esprit Saint.
Nous avons chanté au Seigneur le psaume 103 : Toute la terre, Seigneur, est remplie de ton amour. Dieu aime le monde dans lequel nous vivons. Dieu habite ce monde. Dieu aime tout être humain. En réponse à cet amour de Dieu, nous avons proclamé : Je veux chanter au Seigneur tant que je vis ; je veux jouer pour mon Dieu tant que je dure.
Nous avons entendu l’évocation de l’alliance que Dieu fait avec le peuple qu’il a délivré d’Egypte, la Pâque des Hébreux, le passage de la Mer Rouge. Le livre de l’Exode décrit la venue de Dieu dans le feu sur la montagne du Sinaï. Dieu appelle Moïse ; Moïse fait sortir le peuple à la rencontre de Dieu. Dieu donne la Loi, qui annonce le don de l’Esprit comme loi nouvelle qui entraîne à la liberté de toute forme d’esclavage.
Lorsqu’il parle du baptême, Jésus dit à ses disciples qu’ils seront baptisés dans l’eau et le feu, dans l’eau et dans l’Esprit. C’est ce que l’apôtre Paul écrit à Tite : Par le bain du baptême, Dieu nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance. Nous avons plongé la main dans l’eau ; nous avons fait le signe de la croix, en chantant : Nous sommes ton peuple et nous te rendons grâce par Jésus ton enfant, et nous avons, en faisant mémoire du synode diocésain, repris un des chants phares du synode : Pour vous donner la vie, et la vie en abondance, je suis venu pour vous donner la vie.
Dans le premier testament, la tradition juive, l’Esprit de Dieu est donné aux prophètes, appelés pour manifester la Parole de Dieu. Ces prophètes n’ont pas peur de parler au nom de Dieu. Ces envoyés de Dieu rappellent la Loi de Moïse et ses exigences, invitent à la conversion, dénoncent le culte des idoles, donnent le sens des événements politiques, nourrissent la vie spirituelle. Le prophète Joël fait une promesse, au nom de Dieu : Je répandrai mon esprit sur tout être de chair, vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions.
Dans le nouveau testament, le témoignage du Christ ressuscité, nous apprenons que tout baptisé reçoit l’Esprit de Dieu pour devenir prophète. Chaque baptisé peut parler au nom de Dieu afin de donner le sens des événements, lire les signes des temps à la lumière de la foi, dénoncer les injustices, proclamer la miséricorde de Dieu à l’égard des pécheurs qui se convertissent.
Dans le premier testament, la tradition juive, déjà bien en phase avec plusieurs cultures, insérées dans de nombreuses nations, la foi en la résurrection des morts a progressivement vu le jour. Les disciples que Jésus a choisis comme apôtres croyaient en la résurrection des morts, mais ils ne savaient pas très bien en quoi cette résurrection pouvait consister. Jésus Ressuscité a dû expliquer, convaincre, donner des signes pour manifester qu’il était bien vivant, même s’il s’agissait d’une vie différente. Jésus a nourri la foi de ses disciples afin de les aider à croire que tous, nous allons ressusciter.
Le prophète Ezékiel nous donne une vision extraordinaire de la puissance de l’Esprit de Dieu. Dans une vallée remplie d’ossements humains, Ezékiel entend la Parole de Dieu qui s’adresse à lui : Adresse une prophétie à l’esprit, prophétise, fils d’homme. Dis à l’esprit : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Viens des quatre vents, esprit ! Souffle sur ces morts, et qu’ils vivent ! Ezékiel dit : Je prophétisai, comme il m’en avait donné l’ordre, et l’esprit entra en eux ; ils revinrent à la vie, et ils se dressèrent sur leurs pieds. Devant cette résurrection des morts, Ezékiel entend dire : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en referai remonter, ô mon peuple (…). Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez.
Cette vision d’Ezékiel est accomplie dans la résurrection du Christ, elle-même promesse de notre propre résurrection, promesse de la résurrection de toute l’humanité. Depuis la vigile de Pâques, la présence du Christ au milieu de son peuple est signifiée par le cierge pascal. Le Christ est lumière du monde, lumière née de la lumière. Nous avons allumé nos cierges à la lumière du Christ, notre Pâque.
La Pâque du Christ inaugure un monde nouveau non pas en nous retirant de ce monde-ci, mais en nous faisant passer de ce monde au monde de Dieu. Il s’agit d’un enfantement qui se fait dans la douleur. L’apôtre Paul nous dit : La création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas la seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps.
Nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint. L’Esprit de Dieu est comme une anticipation de ce que nous serons au moment de notre résurrection, comme membres de la création nouvelle. Dans l’attente de ce moment, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse ; il intercède pour nous par des gémissements inexprimables. Les gémissements de l’Esprit sont murmurés dans notre cœur ; ils forment notre prière. L’Esprit Saint nous rappelle ce que Jésus a dit ; il nous conduit à la vérité tout entière.
En définitive, c’est dans la Pâque de Jésus que nous découvrons encore mieux le don de l’Esprit Saint. C’est lorsque le Christ est ressuscité, que le don de l’Esprit est manifesté en plénitude. Jésus lui-même ne dit-il pas : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive celui qui croit en moi ! (…) En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en Jésus. En effet, il ne pouvait y avoir l’Esprit, puisque Jésus n’avait pas encore été glorifié. Le don de l’Esprit est signifié après la mort de Jésus, lorsqu’un soldat perce son côté : il en sort du sang et de l’eau. Le don de l’Esprit est, dans l’évangile de Jean, manifesté par le Ressuscité le soir du premier jour de la semaine lorsqu’il vient là où sont rassemblés les apôtres, par crainte des Juifs : le Ressuscité souffle sur eux. Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis.
Frères et Sœurs,
Tous nous avons pris un chemin de vie en devenant chrétiens. Un chemin personnel à chacun, avec ses expériences spécifiques, avec des témoins très diversifiés de l’Evangile, avec des épreuves et des moments de grâce.
Cette initiation a été inaugurée par le sacrement du baptême et comprend aussi le sacrement de la confirmation et le sacrement de l’eucharistie. Ce soir, plusieurs d’entre nous célèbrent le sacrement de la confirmation.
Chers confirmands, lundi dernier j’ai participé à la marche Saint-Roch, à Thuin. Pendant la célébration du matin, un homme d’une trentaine d’années est venu derrière moi et me dit qu’il désirerait me parler, afin d’évoquer une période heureuse de sa vie. Quelques heures plus tard, il vient de nouveau auprès de moi en se faisant connaître. Lorsque j’étais doyen de Mons, il y a bien quinze ans, il avait reçu les sacrements de l’initiation chrétienne, comme jeune adulte. Je lui ai demandé s’il était encore chrétien. Il m’a répondu, avec un peu de tristesse, qu’il n’était plus accompagné par personne. Il m’a cité les personnes qui l’avaient aidé sur le chemin de la foi. Mais, dès que la célébration avait eu lieu, il s’était retrouvé seul. Il en est arrivé à ce qu’il ne connaisse même pas les prêtres qui exercent le ministère à Mons. Progressivement, il n’a plus eu de contact avec un chrétien fervent, ou avec une assemblée où il se sent chez lui.
Ce soir, les néophytes de l’année 2015 vont remettre le signe de leur vêtement blanc, une écharpe blanche. Certains d’entre eux se trouvent dans la situation de cet homme de trente ans que je viens de décrire.
Qui doit faire le premier pas ? Je suis de plus en plus persuadé que ce sont les nouveaux chrétiens qui sont amenés à ne pas abandonner ceux qui les ont accompagnés. Avec le service diocésain du catéchuménat, nous avons déjà étudié cette question dans nos échanges. Je pense que le moment est venu de prendre de nouvelles initiatives.
L’Esprit de Dieu est donné à chaque baptisé qui devient témoin du Christ ressuscité en ce monde. Et cet Esprit intègre les disciples du Christ dans un seul Corps, qui est l’Eglise dont le Christ est la Tête. Sans devenir membres de ce Corps, nous perdons progressivement le sens de notre mission, de notre témoignage, et nous ne savons plus qui nous sommes aux yeux de Dieu, nous n’osons même plus dire que nous sommes chrétiens.
L’Esprit de Dieu fait aussi des dons à quelques-uns, des dons que la tradition nomme des charismes. Parmi ces charismes, nous avons ce qui est confié aux différentes formes de la vie consacrée. Tous, nous remercions les personnes engagées dans la vie consacrée pour leur beau témoignage des dons de l’Esprit, qui vivifie le peuple de Dieu tout entier. A la source des charismes, nous avons l’Esprit Saint dont le fruit est l’amour. Merci aux personnes engagées dans la vie consacrée de témoigner de l’amour qui ne disparaîtra jamais, même au-delà de notre mort. A la sortie de cette célébration, nous recevrons un petit signe qui témoigne du charisme manifesté par les diverses formes de la vie consacrée.
Au milieu de nous, nous avons des ministres ordonnés des trois degrés du sacrement de l’ordre. A chaque ordination, l’évêque implore le don de l’Esprit sur celui qui va être ordonné. Dans la prière d’ordination des diacres, l’évêque dit : Envoie sur eux, Seigneur, l’Esprit Saint ; dans la prière d’ordination des prêtres, l’évêque dit : Répands une nouvelle fois au plus profond d’eux-mêmes l’Esprit de sainteté ; dans la prière de l’ordination de l’évêque, nous avons : Et maintenant, Seigneur, répands sur celui que tu as choisi la force qui vient de toi, l’Esprit souverain que tu as donné à ton Fils bien-aimé, Jésus Christ, l’Esprit qu’il a lui-même communiqué aux saints Apôtres qui établirent l’Eglise en chaque lieu comme ton sanctuaire, à la louange incessante et à la gloire de ton Nom.
Qu’en cette vigile de Pentecôte retentisse la parole de l’apôtre Paul à Timothée : Je te le rappelle, ravive le don gratuit de Dieu, ce don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains. Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de pondération (2 Timothée 1, 6-7).
Qu’au terme de cette vigile de Pentecôte, nous puissions tous, avec force, chanter la gloire de Dieu en ce lieu.
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai
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Créé parDiocèse de Tournai
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