



Message de l'Evêque du 20 mai 2021
Du 19 au 22 mai 2003 : Venez, et vous verrez (Jean 1,39)
Le lundi 19 mai 2003, au lendemain des élections législatives, à 8.15 H, le secrétariat de la Nonciature auprès du Roi des Belges m’appelle sur mon portable, à Mons, : Le Nonce apostolique vous attend aujourd’hui à 15.00 H. Arrivé à la Nonciature pour 15.00 H, je suis accueilli par une secrétaire qui m’introduit dans un salon, où je reste debout. Je reçois une tasse de café. Le Nonce, Mgr Karl-Josef Rauber (né à Nürnberg en 1934), entre dans le salon et m’invite à m’asseoir. C’est la première fois que je vois Mgr Rauber. Il a succédé à Mgr Pier-Luigi Celata (né en 1937), qui m’avait déjà convoqué, avec plusieurs autres personnes, pour parler du dialogue islamo-chrétien en Belgique. Mgr Rauber demande des nouvelles de ma santé et de mes activités pastorales à Mons, où je suis doyen depuis 1997. Ensuite, il me dit : Le champ de la vigne sera plus grand. Je demande : Que dois-je comprendre ? Il me répond : Le Pape Jean-Paul II vous nomme évêque de Tournai. Je fais des efforts pour rester serein et je dis : Je vais réfléchir et prier. Le Nonce rétorque aussitôt : Ah non ! Vous devez dire : oui. Abasourdi, j’écoute le Nonce me raconter comment lui, le 18 décembre 1982, il avait appris par téléphone sa nomination comme nonce apostolique et son ordination épiscopale prévue le 6 janvier suivant. Pendant quarante minutes, nous évoquons plusieurs sujets ayant trait à notre expérience de vie comme prêtre. Le Nonce n’arrête pas de dire : Ach ja ! Il faut dire : oui. Finalement, je dis : Oui.
Ensuite vient la question : Quelle est votre devise ? Je réponds que je n’y ai pas réfléchi. Le timing de l’annonce de la nomination est établi. Le mardi 20 mai, le Nonce informera le Cardinal Danneels, le Roi Albert II et l’administrateur diocésain de Tournai Paul Scolas. Mais à quelle date la nomination serai-t-elle rendue publique ? J’essaie de donner des éléments importants de mon agenda. Le jeudi 22 mai, le Roi Albert II, la Reine Paola, le Roi et la Reine de Norvège feront une visite officielle à Mons. Normalement, je suis requis à l’hôtel de ville de Mons pour la réception officielle. Le Nonce réagit : Puisque le Roi sera à Mons le 22 mai, votre nomination sera rendue publique le 22 mai à midi. Je comprends que, pour moi, Mons c’est terminé. Je serai requis ailleurs ce jour-là. En quittant la Nonciature pour me rendre à ma voiture, j’entends le Nonce qui marche à grands pas avant de me rejoindre. Il me dit : Est-ce que cela ira pour retourner chez vous en voiture ? Je réponds que je pense pouvoir rouler jusque Mons. En fait, je m’arrête le long de l’autoroute à Nivelles, pour reprendre mes esprits. Après un coup de téléphone à Michel Vinckier, doyen de Châtelet, je me rends à Châtelet pour lui annoncer la nouvelle. Il m’écoute et m’encourage à « digérer » la nouvelle mission, tout en restant serein.
Le mardi 20 mai, j’ai un petit-déjeuner de travail à Hyon avec le comité « art et spiritualité ». Pierre-Louis Navez est présent. Un coup de fil interrompt le petit-déjeuner. Je me réfugie à la cuisine. L’administrateur diocésain me dit qu’il sait que je suis nommé évêque de Tournai. Il a été informé de ma nomination par le Nonce. Pendant que je parle avec l’administrateur diocésain, Pierre-Louis Navez dit aux membres d’art et spiritualité que le Nonce m’appelle pour dire que je deviens évêque de Tournai. Ensuite, au fil des heures, je suis amené à produire une biographie, à prendre note de l’heure de la conférence de presse à la rue Guimard à Bruxelles, à me laisser photographier, etc. Je n’ai plus une minute à moi. Au presbytère de Sainte-Waudru à Mons, Maryse Harvengt, la secrétaire, est étonnée du va-et-vient de personnes qui veulent me voir en toute urgence.
Le mercredi 21 mai, en fin d’après-midi, je prends deux bouteilles de champagne et je me rends chez mes parents à Luttre. Je les informe avec calme. Maman a 80 ans. Papa va avoir 82 ans. Je demande de ne rien dire avant le lendemain à midi. Ils savaient qu’un évêque serait nommé à Tournai. Le fait de le voir devant eux est une fameuse surprise. Papa me dit : Ce ne sera pas facile. Maman regarde le crucifix au-dessus de la cheminée et me dit : Nous prierons pour toi. Ensuite, elle décroche le téléphone pour appeler mes deux sœurs : Guy a quelque chose à vous dire ; venez immédiatement. Mes sœurs arrivent à toute vitesse avec leur mari. Je leur annonce la nouvelle. Mon beau-frère Philippe rappelle, aujourd’hui encore, que, quand je parlais, mon menton ne cessait de trembler. Nous avons bu le champagne et partagé un petit souper.
Le jeudi 22 mai, mémoire de sainte Rita, la patronne des causes désespérées, j’avertis Maryse Harvengt de ma nomination à Tournai et je lui propose de m’accompagner comme secrétaire à l’évêché. Quelques évêques m’envoient un message pour me féliciter. Mgr Léonard m’appelle pour manifester sa joie. Frédéric Blondeau, chargé de la communication à l’évêché, vient me chercher pour me conduire à la rue Guimard à Bruxelles. En arrivant au secrétariat de la conférence épiscopale, Etienne Quintiens me félicite et me donne la liste des dates des conférences épiscopales des deux années à venir. Eric De Beukelaer, porte-parole des évêques de Belgique, me présente aux journalistes. J’apprends beaucoup de choses sur mon compte. Pendant au moins une demi-heure, les journalistes du nord et du sud du pays me posent des questions auxquelles je réponds comme « je le sens ». Beaucoup pensent que je parle l’arabe et que je suis informé de tout ce qui se passe dans le monde islamique. J’ai même des questions sur la « politique communale à Anvers ». Cela se passe bien. J’ai appris quelques jours plus tard que le Nonce était content de ma « prestation ».
Après un déjeuner bien agréable dans un bureau du secrétariat de la conférence épiscopale, Frédéric Blondeau me conduit au palais épiscopal de Tournai, où une autre conférence de presse a été programmée. Paul Scolas me présente aux journalistes. Je réponds aux questions. Il ne s’agit plus de la présence de musulmans en Belgique, mais des projets pastoraux du diocèse. Un verre est offert. Frédéric Blondeau me ramène à Mons. Pour décompresser, je prends le repas, avec Michel Vinckier, dans restaurant non loin de la Collégiale Sainte-Waudru à Mons.
Mon adjoint à Mons, Yves Verfaillie, accompagnait depuis plusieurs jours un pèlerinage à Lourdes. Il a appris ma nomination en la cité mariale et il a déposé un cierge devant la stature de Marie à la grotte. Il m’appelle pour dire qu’il est très heureux de ma nomination.
Le lendemain, le défilé des personnes qui viennent me féliciter n’arrête pas au presbytère Sainte-Waudru. Le Nonce m’appelle de nouveau par téléphone pour me signifier que le Cardinal Giovanni Battista Re, Préfet de la Congrégation des Evêques à Rome, veut me voir le plus rapidement possible. En effet, dès le 23 mai, il appert que je dois « prendre possession canonique du diocèse » le plus rapidement possible. Avant de partir pour Rome, je dois prêter serment comme évêque, ce que je fais à la chapelle de la Nonciature la semaine après ma nomination.
Ce samedi 22 mai, cela fait dix-huit ans que ces événements se sont déroulés. Ils m’ont profondément marqué. Certes, l’ordination du 7 septembre 2003 à la Cathédrale de Tournai a été un moment fort. Mais ce sont les jours entre le 19 et le 22 mai qui m’ont transformé. Ma prière, mon intercession, a été élargie à un peuple beaucoup plus vaste. Et j’ai su que beaucoup me portaient dans la prière. Merci à eux.
C’est en reprenant la prière de Jésus dans l’évangile de Jean, la veille de la Passion (chapitre 17), que j’ai été frappé par la parole : Consacre-les dans la vérité ! La nouvelle traduction liturgique dit aujourd’hui : Sanctifie-les dans la vérité ! Je pouvais ainsi répondre à la question du Nonce à propos de ma devise. Depuis la quatrième année du secondaire au Collège Sainte-Gertrude à Nivelles, je lis régulièrement l’évangile selon saint Jean. C’est dans cet évangile que j’ai été frappé par des « paroles de vie ». Pour le diaconat : Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de vie éternelle (Jean 6,68). Pour le presbytérat : Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (Jean 15,13). Pour l’épiscopat : Sanctifie-les dans la vérité (Jean 17,17).
A l’approche de la solennité de la Pentecôte, je rends grâce pour le peuple de Dieu qui est à Tournai, l’Eglise particulière qui m’a été confiée. Ce peuple m’apprend à devenir serviteur, en sachant que le vrai Pasteur, c’est le Christ lui-même. Il continue à me dire chaque jour : Toi, suis-moi (Jean 21,22).
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai
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