Mot de l’Evêque - Annuaire 2020
Il n’y a rien de stable, en dehors de toi, ô mon Dieu. Tu es le centre et la vie de tous ceux qui changent, qui se confient en toi comme leur Père, qui ont les yeux tournés vers toi et sont fiers de se remettre en tes mains. Je sais, mon Dieu, que si je veux voir ta face, je dois changer (John Henry Newman, cité par le Pape François dans le discours de Noël 2019 à la Curie romaine).
Depuis les années 1990, le diocèse de Tournai modifie progressivement le paysage de la pastorale territoriale. En 1995, le doyenné de Dour fait l’expérience d’une nouvelle concertation entre les paroisses. Cette expérience reçoit, en 1998, le nom de « Renaissance ». La nouveauté consiste en l’envoi en mission d’une équipe d’animation pastorale, présidée par le prêtre responsable appelé doyen ou vice-doyen.
Le synode diocésain (2011-2013) a un chapitre qui annonce comment les 49 unités pastorales vont devenir des paroisses nouvelles (décrets 1 à 16). L’expérience de « Refondation » des unités pastorales constitue une première étape. La nouveauté est l’envoi en mission d’un conseil pastoral par unité pastorale refondée. Pour atteindre l’objectif final, il faudra encore une concertation avec les pouvoirs publics et prendre des décisions en vue de correspondre en tout point à ce que le Code de Droit canonique exige.
Le décret 13 du synode diocésain parle de la dissolution des doyennés actuels et de la transformation en doyennés des sept régions pastorales. Le décret 14 prévoit qu’au 1er septembre 2018 les doyens et vice-doyens (de 2013) seront appelés « curé » et les doyens principaux « doyen ».
Avec un peu de retard, un décret daté du 9 décembre 2019 coule en forme juridique ce qui est prévu par le synode diocésain.
Pour mieux cerner la mission qui est confiée aux curés et aux doyens, un vade-mecum du curé et du doyen, pour lequel beaucoup ont été consultés, va être publié en 2020.
Pour continuer à mettre en œuvre les décrets du synode diocésain, le conseil presbytéral, qui a été renouvelé en 2019, a déjà des projets nouveaux. Le vicaire général a consulté diverses instances pour mettre sur pied un conseil pastoral diocésain.
Il nous faut encore procéder par étapes pour les « lieux » : les lieux-source dans chaque paroisse nouvelle, dans l’ensemble du diocèse ainsi que la maison diocésaine de la prière.
Suite aux nouvelles dispositions prévues en 2015 pour l’initiation chrétienne sacramentelle, le service diocésain de l’initiation chrétienne a fait le tour des unités pastorales en 2018-2019 ; il en a donné un écho à la journée diocésaine du 14 septembre 2019 à Soignies. Il y aura encore beaucoup à discerner pour l’accompagnement des adolescents et des jeunes de moins de dix-huit ans. La plaquette Critères de discernement pour l’accueil et l’accompagnement en catéchèse (Au service des communautés chrétiennes), Juillet 2008, doit être revue. En 2020, la Conférence épiscopale de Belgique promulgue un décret sur le catéchuménat, qui a reçu la « recognitio » du Saint-Siège à Rome.
Le service diocésain de la formation, catéchèse à tout âge, relance les groupes de partage de l’Evangile et de la Vie. N’oublions pas la session de formation continuée des 3 et 4 mars 2020 sur L’avenir de notre maison commune, Cinq ans après « Laudato Si’ ».
Le service diocésain Art, Culture et Foi est en train de mettre sur pied une journée diocésaine qui aura comme thème : le patrimoine religieux du Hainaut en lien avec le témoignage de la foi dans l’initiation chrétienne. Cette journée aura lieu à la Cathédrale le samedi 26 septembre 2020.
Renouvelé en partie, le service diocésain des couples et des familles va suggérer des projets pour accompagner les couples qui demandent le mariage sacramentel ainsi que ceux qui demandent un temps de prière à l’occasion d’une nouvelle union civile. Le Pape François rappelle, de temps en temps, la mise en œuvre de l’Exhortation apostolique post-synodale Amoris laetitia (19 mars 2016).
Je suis en train de consulter pour envisager un nouvel avenir de l’Institut Supérieur de Théologie du Diocèse de Tournai (ISTDT). La déclaration de politique communautaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles (2019) prévoit un groupe de travail au sujet des cours philosophiques et des cours d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté. L’ISTDT n’a pas la mission unique de former des professeurs de religion. Il existe encore bien d’autres services à rendre dans le cadre de la formation et des acteurs pastoraux, et des personnes en recherche.
De même, il me semble que les responsables du temporel ont aussi comme mission d’aider les unités pastorales qui ont un ou plusieurs secrétariats paroissiaux. C’est là un chantier qui pourra, je pense, rencontrer les besoins de beaucoup.
En 2019, en raison des changements des mentalités à propos du livre papier, la librairie Siloë a fermé ses portes. Un service de « procure » (Siloë-Services) a été mis sur pied. Depuis de nombreuses années, le conseil épiscopal et le conseil d’administration de l’ASBL Evêché sont en train de discerner les missions nouvelles qui pourraient être confiées à la maison diocésaine de Mesvin, en sachant qu’en même temps celles du Centre d’Histoire et d’Art Sacré en Hainaut (CHASHA), établi à Bonne-Espérance, et de la Maison diocésaine de Bonne-Espérance (en lien avec le Service pastoral des Jeunes, SPJ) doivent continuer à se déployer.
Conversion pastorale pour annoncer l’Evangile
Dans le discours de Noël à la Curie romaine du 21 décembre 2019, le Pape François parle d’abord de la signification de la fête en citant le mystique copte orthodoxe égyptien Matthieu le Pauvre (Matta al Maskin, 1919-2006) : La naissance du Christ est le témoignage le plus fort et le plus éloquent de combien Dieu a aimé l’homme. Il l’a aimé d’un amour personnel. C’est pour cela qu’il a pris un corps humain, auquel il s’est uni et l’a fait sien pour toujours. La naissance du Christ est elle-même une « alliance d’amour » établie pour toujours entre Dieu et l’homme. Le Pape cite ensuite Clément d’Alexandrie (150-215) : C’est pour cela que le Christ est descendu, pour cela qu’il a revêtu l’humanité, pour cela qu’il a souffert volontairement la condition des hommes, afin qu’après s’être confronté à notre faiblesse qu’il a aimée, il puisse, en échange, nous confronter à sa puissance.
Le Pape en vient ensuite à John Henry Newman (1801-1890), prêtre anglican devenu prêtre catholique, créé cardinal, canonisé le 13 octobre 2019, qui a, lui aussi, écrit sur l’incarnation du Verbe, mais qui évoque également le changement : Ici, sur terre, vivre c’est changer, et la perfection est le résultat de nombreuses transformations. Il ne s’agit évidemment pas de chercher le changement pour le changement, ou de suivre des modes, mais d’avoir la conviction que le développement et la croissance sont la caractéristique de la vie terrestre et humaine, alors que, dans la perspective du croyant, au centre de tout se trouve la stabilité de Dieu. Pour Newman, le changement est une conversion, c’est-à-dire une transformation intérieure.
Faisant mémoire du cheminement dans la Bible, des commencements et des nouveaux départs, le Pape ajoute : Tout ceci a une importance particulière en notre époque, parce que ce temps que nous vivons n’est pas seulement une époque de changements, mais un véritable changement d’époque.
C’est de cette manière que le Pape parle de la réforme de la Curie romaine, de quelques dicastères en particulier : Quand les Congrégations pour la Doctrine de la Foi et pour l’Evangélisation des peuples ont été instituées, on était à une époque où il était plus simple de distinguer deux versants assez bien définis : un monde chrétien d’une part, et un monde encore à évangéliser d’autre part. Maintenant, cette situation n’existe plus. Les populations qui n’ont pas encore reçu l’annonce de l’Evangile ne vivent plus du tout seulement sur les Continents non occidentaux, mais se trouvent partout, surtout dans les énormes concentrations urbaines qui demandent, en elles-mêmes, une pastorale spécifique. Dans les grandes villes, nous avons besoin d’autres « cartes », d’autres paradigmes, qui nous aident à repositionner nos manières de penser et nos attitudes : frères et sœurs, nous ne sommes plus en chrétienté, nous ne le sommes plus. Nous ne sommes plus les seuls aujourd’hui à produire la culture, ni les premiers, ni les plus écoutés. Par conséquent, nous avons besoin d’un changement de mentalité pastorale, ce qui ne veut pas dire passer à une pastorale relativiste. Nous ne sommes plus dans un régime de chrétienté parce que la foi – spécialement en Europe, mais aussi dans une grande partie de l’Occident – ne constitue plus un présupposé évident du vivre-ensemble ; pire elle est souvent même niée, raillée, marginalisée et ridiculisée.
D’où la nécessité de revoir nos modes de fonctionnement, certes, mais surtout de prendre la mesure de ce en quoi consiste l’évangélisation : Dans tout son être et par tout son agir, l’Eglise est appelée à promouvoir le développement intégral de l’homme à la lumière de l’Evangile. Ce développement se réalise à travers le soin que l’on porte aux biens incommensurables de la justice, de la paix et de la sauvegarde de la création. Il est mis en œuvre dans le service des plus faibles et des marginalisés, en particulier les migrants forcés qui représentent en ce moment un cri dans le désert de notre humanité. L’Eglise est donc appelée à rappeler à tous qu’il ne s’agit pas seulement de questions sociales ou migratoires, mais de personnes humaines, de frères et sœurs qui sont aujourd’hui le symbole de tous les exclus de la société globalisée. Elle est appelée à témoigner que, pour Dieu, personne n’est « étranger » ou « exclu ». Elle est appelée à réveiller les consciences assoupies dans l’indifférence devant les réalités de la Mer Méditerranée devenue, pour beaucoup – pour trop – de personnes, un cimetière.
Le Cardinal Carlo Maria Martini (1927-2012), dans sa dernière interview, à quelques jours de sa mort, a dit des paroles qui doivent nous interroger, dit le Pape : L’Eglise est restée en arrière de deux cents ans. Comment se fait-il qu’elle ne se secoue pas ? Avons-nous peur ? Peur au lieu du courage ? De toute façon, la foi est le fondement de l’Eglise. La foi, la confiance, le courage (…). Seul l’amour vainc la lassitude.
Merci à tous ceux qui s’engagent dans ces changements pour le développement intégral de l’être humain.
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai
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