



Homélie de la Nativité du Seigneur
Homélie prononcée à la Cathédrale de Tournai le 25 décembre 2019, à minuit et à 10h.
Pendant une semaine, la ville de Tournai a vécu un événement exceptionnel : Viva for Life, mis en œuvre par la RTBF. Nous pouvons féliciter ceux qui ont pris l'initiative de cet événement, la ville de Tournai qui y a beaucoup investi et, surtout, les nombreux participants.
Nous constatons, une fois de plus, que la solidarité n'est pas un vain mot. Lorsque des personnes, des associations, des institutions sont bien informées de la situation précaire dans laquelle vivent 25 % des enfants en Wallonie et à Bruxelles, elles se mettent en route et veillent à ce que ces enfants soient mieux reconnus dans leur dignité, et trouvent des pistes d'espérance pour l'avenir.
Durant cet événement, les trois animateurs enfermés dans le cube ont manifesté beaucoup d'émotion en écoutant les récits des enfants, des jeunes, des parents, des proches. Et, à un certain moment, en réponse à un don, le plus petit soit-il, venait la formule : C'est magique !
Il est vrai que, depuis quelques années, chaque fois qu'un événement exceptionnel est mis sur pied, chaque fois qu'une fête particulière est annoncée ou célébrée, nous entendons dire : C'est magique !
Derrière cette expression, il y a bien évidemment la référence à des mythes, des récits imaginaires qui soudent le vivre-ensemble, mais il y a aussi le rappel d'émotions fortes ressenties dans l'enfance ou à des moments-clés de notre vie.
Noël, c'est magique ! La naissance de Jésus, c'est magique !
A un certain moment, Saint-Nicolas, le Père Noël, c'est magique également. Et la naissance de Jésus ?
Deux choses peut-être à exprimer.
La première, Jésus n'est pas le personnage d'un récit mythique. Il a réellement existé sur la planète terre, au Moyen Orient, au premier siècle de l'ère chrétienne. Comme tout être humain, il est né, il a eu un rayonnement auprès de ses contemporains, il est mort.
Des témoins de Jésus, dans le sens de l'histoire scientifique, ont parlé de lui, ont écrit sur lui pour nous dire quel a été son itinéraire, quelle fut son influence. Nous pouvons remercier les historiens, qui exercent leur métier comme des hommes et des femmes de science, pour leur apport, leurs découvertes. Nous n'avons pas encore tous les témoignages sur Jésus au plan historique. Nous apprendrons certainement encore bien des choses sur lui au fur et à mesure des découvertes.
Jésus est un personnage historique que les scientifiques peuvent présenter à des personnes de notre temps, avides de découvrir la vérité scientifique sur toute chose. Merci à ces personnes de nous accompagner sur ce chemin de recherche de la vérité historique.
La seconde chose à exprimer est de chercher à entrer dans le témoignage des disciples de Jésus, de ses contemporains comme de ceux qui se disent ses disciples aujourd'hui. Chacun d'entre nous a sans doute une idée là-dessus, car, ici, il ne s'agit pas uniquement de découvertes scientifiques, mais surtout de convictions.
Au temps de Jésus, au premier siècle de notre ère, il n'y avait pas de centre d'action laïque, ni de mouvement affirmant que Dieu n'existe pas, que Dieu est un concept vide. Toutes les cultures coexistant dans l'empire romain baignaient dans une ambiance où la référence à des divinités faisait partie de la vie ordinaire.
Jésus est né dans la tradition religieuse juive qui a comme originalité d'avoir un Dieu unique, et non pas un panthéon de divinités hiérarchisées entre elles. Pour la tradition juive, Dieu est quelqu'un qui « parle » à l'humanité. Ce n'est pas une sorte de divinité qui n'a aucun contact avec les êtres humains, avec le cosmos, avec les nations. C'est ici que vient la foi en Dieu qui crée tout ce qui existe, c'est-à-dire que Dieu a une relation personnelle avec tout être humain, avec tout ce qui est.
L'expérience de cette relation avec Dieu a été racontée, mise par écrit, pendant des siècles. Les témoins ont écrit ce que nous appelons aujourd'hui « l'Ancien Testament ». Quel est le coeur de ces récits ? Dieu appelle son peuple à vivre de sa Parole. A travers des récits sur le passage de la Mer Rouge, l'alliance au Sinaï, le don de la Loi à Moise, l'exil à Babylone, nous découvrons une histoire sainte dont Dieu est l'acteur principal. Avec des mots-clés comme la Loi donnée à Moïse en signe de l'alliance de Dieu avec son peuple ; le dépôt de cette Loi dans une arche d'alliance ; le dépôt de cette arche dans le Temple de Jérusalem ; la mise en pratique de cette Loi dans la vie ordinaire de chaque membre de la tradition juive.
La naissance de Jésus a été inscrite dans ces récits. En raison de relectures de l'Ancien Testament et en fonction de son itinéraire depuis sa naissance jusqu'à sa mort et sa résurrection, les disciples de Jésus ont découvert en lui le Sauveur du monde.
C'est la raison pour laquelle des extraits des textes qui éclairent la naissance de Jésus sont proclamés au cours des liturgies depuis le premier dimanche de l'Avent jusqu'au baptême de Jésus.
La conception de Jésus est l'œuvre de Dieu. Certes, Jésus est enfanté par Marie, une jeune fille de Nazareth, mais il est conçu par l'Esprit Saint, Dieu.
La naissance de Jésus a lieu à Bethléem. Mais il ne s'agit pas d'une naissance comme une autre. C'est un ange, un envoyé de Dieu, qui annonce cette naissance aux bergers de Bethléem. Ceux-ci vont voir l'enfant pour l'adorer ; pas seulement pour féliciter la maman.
Des mages, des personnes qui ne sont pas issues de la tradition juive, apprennent par un astre qu'un nouveau roi vient de naître. A Jérusalem, les mages demandent aux autorités de la tradition juive où se trouve ce nouveau-né. Surprise ! On leur répond qu'à partir des Ecritures, l'Ancien Testament, cela doit être à Bethléem. Les mages se prosternent devant l'enfant et ils repartent sans prévenir les autorités.
Furieux, le roi Hérode fait supprimer les concurrents potentiels de son trône. Dieu avertit Joseph qu'il faut fuir en Egypte.
Il n'y a pas que les textes de l'Ancien Testament qui permettent de comprendre qui est celui qui vient de naître. Des rédacteurs, qui s'appuient sur le témoignage de témoins oculaires de la personne de Jésus, vont rédiger des pages grandioses sur l'identité divine de Jésus. Le jour de Noël, lors de la messe du jour, l'évangéliste Jean parle de la Parole de Dieu, le logos, le verbe, qui devient chair, qui devient être humain : Le Verbe s'est fait chair, il est venu chez les siens, et les siens ne l'ont pas reçu. Jésus est la Parole de Dieu qui devient être humain. Sa venue a été préparée par Jean le Baptiste. Personne n'a jamais vu Dieu, mais la Parole de Dieu faite chair, le Fils de Dieu, nous conduit à connaître Dieu, le Père.
En méditant ces textes, en contemplant la venue du Fils de Dieu, le Sauveur, en ce monde, les premières communautés chrétiennes, s'appuyant sur le témoignage des textes que nous appelons le Nouveau Testament ont découvert qu'en prenant notre nature humaine le Fils de Dieu lui donne une incomparable noblesse. En devenant l'un de nous, le Fils de Dieu nous fait devenir enfants de Dieu. Nous participons à la vie même de Dieu.
Si nous devenons enfants de Dieu, c'est que nous devenons en même temps des membres d'une même famille ; nous sommes, en Jésus Fils de Dieu, enfants d'un même Père. Nous sommes appelés à nous aimer les uns les autres.
En même temps, qui est ce Dieu qui naît pauvre parmi les pauvres, à Bethléem ? Qui doit fuir les soldats d'Hérode ? Qui prend le chemin de tout être humain pour grandir, devenir adulte et manifester le dessein de Dieu pour toute l'humanité ?
C'est ici que nous rejoignons quelque chose de l'accueil de Jésus, Enfant, durant les fêtes de fin d'année. Notre cœur est bouleversé par la naissance de cet Enfant. Et un élan de solidarité nous habite pour voir les pauvres, les réfugiés, les exilés, avec un autre regard.
Notre regard s'élargit à la planète entière, où il y a tant de conflits violents. Jésus est le Prince de la Paix, qui nous invite à devenir nous-mêmes des artisans de paix.
Nous avons envie de dire : C'est magique ! Nous contemplons en Jésus qui vient de naître quelqu'un qui existe réellement. Il est, comme le dit le prophète Isaïe, Emmanuel, Dieu avec nous. Il est le Sauveur, le Seigneur, le Prince de la Paix.
Adorons-le et témoignons de lui auprès de tous ceux que nous rencontrerons ces jours-ci.
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai
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