Homélie des Funérailles de l’abbé Victor Huet (1923-2017), en l’église Saint-Nicolas de Frasnes-lez-Gosselies, le 22 juin 2017

( 1 Corinthiens 15, 1-5. 11 ; Jean 14, 1-6 )

C’est un des prêtres les plus âgés du diocèse de Tournai dont nous célébrons les funérailles ce matin. Né le 21 mai 1923 à Houdeng-Aimeries, Victor a parcouru le cursus scolaire de son temps et la formation de futur prêtre pendant la guerre, avant d’être ordonné prêtre le 27 juillet 1947 à la Cathédrale de Tournai, par Mgr Etienne Carton de Wiart.

Victor a été envoyé en mission dans la région du Centre, dont il était originaire. Vicaire à Leval-Trahegnies, il aide les confrères des paroisses voisines. Il enseigne également la religion à Notre-Dame de Bon-Secours à Binche. En 1958, il est nommé curé de la paroisse Sainte-Barbe à Bois du Luc, une localité charbonnière à cheval sur deux communes : Houdeng-Aimeries et Trivières. A peine arrivé à Bois du Luc, Victor secoue la vie pastorale. Certes, il y avait une section de Vie Féminine. Mais, en quelques années, Victor constitue une solide brigade d’enfants de chœur, recrute six adolescents pour devenir dirigeants de Patro. En 1959, le Patro Saint Jean Bosco ouvre ses portes et accueille plus de 50 garçons. Près de dix ans plus tard, le Patro des filles est inauguré. A la Noël 1959, une chorale d’hommes anime la liturgie.

En 1970, Victor reçoit en cumul la paroisse d’Houdeng-Aimeries ; il devient le pasteur de 10.000 habitants. En 1973, les charbonnages du Bois du Luc arrêtent leurs activités. Selon la manière de faire des patrons des charbonnages, ces patrons étaient devenus propriétaires de quantité d’immeubles, dont les écoles. Victor fait tout pour acheter les bâtiments scolaires. Un jour, éberlué, le trésorier paroissial présente un récipissé de virement de deux millions, un don personnel de Mgr Himmer. Les écoles étaient sauvées.

Estimant que l’éducation des jeunes est un aspect très important de la pastorale, Victor prendra beaucoup d’initiatives à Aimeries en ce domaine. Au milieu des années septante, il encourage la mixité à l’école. Il joue un rôle dans la naissance de l’école secondaire spécialisée : les Rocailles, et en 1976, dans la naissance de l’IMP Roi Baudouin. En 1988, il ouvre une bibliothèque paroissiale, et, en 1992, il institue le pèlerinage à Notre-Dame au Bois à Houdeng.

Admis à l’éméritat comme curé en 1996, Victor est nommé prêtre auxiliaire aux Bons Villers, à Frasnes-les-Gosselies et, un peu plus tard, aumônier du home Notre-Dame de Banneux à Frasnes-lez-Gosselies. Beaucoup se souviennent encore de la célébration des 65 ans d’ordination de Victor Huet, le dimanche 23 septembre 2012, en cette église Saint-Nicolas à Frasnes, célébration présidée par le vicaire épiscopal Michel Vinckier qui avait fort bien connu Victor, lorsque Michel était responsable de la formation dans la région du Centre, dans les années 1979 à 1988.

En effet, outre ses compétences reconnues pour réveiller une paroisse endormie, en tablant sur l’éducation des jeunes, par l’école et les mouvements de jeunes, par la liturgie et les moments de partage de la foi, Victor Huet a bien saisi l’importance de la formation des adultes comme lieu primordial pour l’avenir de la foi. Il promouvait l’intelligence de la foi, en se tenant informé dans les divers domaines de la théologie, de la philosophie et des sciences humaines. Après la célébration du Concile Vatican II, beaucoup d’acteurs pastoraux avaient légitimement insisté sur l’acte de foi posé par des personnes adultes, responsables de leur vie. Certaines de ces personnes avaient estimé que la pastorale habituelle de l’Eglise était devenue une sorte de carcan, qui empêchait d’être libre. Il fallait, par conséquent, donner une ecclésiologie repensée à partir des sources bibliques et à partir de la liturgie. Victor Huet a, durant cette période, participé à quantité de sessions théologiques et pastorales, à des conférences, à des groupes de formation. Victor est un de ces prêtres qui ne se sont pas lamentés sur les soi-disant dérives de Vatican II ; Victor a compris le renouveau qui était en cours et il l’a jugé de manière positive. Nous pouvons le remercier pour cette prise de position.     

La figure du prêtre, en Belgique, a beaucoup évolué depuis 1923. Elle s’est enrichie de l’approfondissement de la Bible et de la Tradition. La notion même de communauté chrétienne s’est considérablement élargie. La mission des fidèles laïcs et des diacres permanents a connu un développement remarquable.

En même temps, l’appel au ministère presbytéral, l’ordination, l’envoi en mission restent des étapes qui construisent l’être intérieur des prêtres.

Victor Huet a laissé sa vie intérieure, le cœur de son ministère, la relation avec Dieu s’enrichir au fur et à mesure du déploiement de sa vocation et de son service, le service de Dieu, le service des hommes, qu’ils soient catholiques ou pas. Victor a fait confiance en Dieu ; Victor a accompagné quantité d’autres prêtres, des fidèles laïcs, des personnes engagées dans la vie consacrée de manière à manifester, dans la joie et avec beaucoup d’humour, la joie d’annoncer l’Evangile, le témoignage du Christ.

Avec l’apôtre Paul, Victor n’a pas cessé de rappeler la Bonne Nouvelle qu’il avait reçue afin de la transmettre et d’en faire vivre, surtout dans la liturgie, là où nous reconnaissons le Ressuscité à la fraction du pain.

Maintenant que Victor entre dans la maison du Père, où Jésus a préparé une place pour lui, il reconnaît en vérité Celui qui, durant toute sa vie, a été pour lui le Chemin, la Vérité et la Vie.

+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai

Photo: l'abbé Huet lors de ses 65 ans d'ordination (En voir plus ici)