



Homélie
IIIème dimanche de l’Avent
Cathédrale de Tournai
11 décembre 2016
Dans l’évangile de Matthieu, Jean le Baptiste intervient dans le deuxième porche d’entrée. Il y est présenté comme un prophète à la manière d’Elie qui propose un baptême dans l’eau lié à la conversion personnelle. C’est l’occasion pour le Baptiste de montrer qu’après lui vient Jésus qui, lui, baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.
L’évangéliste Matthieu fait entrer Jean le Baptiste lors du baptême de Jésus dans le Jourdain. La liturgie présente ce texte le jour de la fête du baptême de Jésus, soit le 9 janvier 2017.
Lorsque Jésus a inauguré le Royaume des cieux par le discours sur la montagne, à la manière de Moïse, et qu’il est devenu le missionnaire du Royaume, en prononçant un discours sur la mission, l’évangéliste Matthieu fait intervenir les questions de ceux qui se posent des questions sur Jésus lui-même. Est-il bien le Messie attendu ?
C’est le passage de ce IIIème dimanche de l’Avent.
Jean le Baptiste est en prison. Nous savons, par l’évangéliste Matthieu, qu’Hérode Antipas avait épousé Hérodiade, une petite-fille du roi Hérode le Grand. Hérodiade, fille d’Aristobule et de Bérénice, s’était mariée avec Hérode Philippe Ier, qui devait succéder à Hérode le Grand. De cette union est née Salomé. Déshérité, Hérode Philippe Ier est allé vivre à Rome. Sa femme, Hérodiade, l’a laissé tomber pour épouser Hérode Antipas, le frère d’Hérode Philippe Ier. Hérode Antipas a donc épousé la femme de son frère Hérode Philippe Ier. Union très étrange dans les deux cas. Une petite-fille d’Hérode le Grand s’était unie successivement à deux fils d’Hérode le Grand. Une union entre une nièce et un oncle… C’est le même Hérode Antipas qui, le jour de son anniversaire, a, lors du banquet, demandé à Salomé, la fille de sa femme Hérodiade, quel cadeau il pouvait lui offrir en récompense de la danse qu’elle avait effectuée devant les convives. A la demande de sa mère, Salomé avait demandé la tête de Jean le Baptiste.
Devant la violation des lois du mariage, Jean le Baptiste avait déclaré à Hérode Antipas : Il ne t’est pas permis de garder Hérodiade pour femme. C’est un mariage consanguin et c’est la femme de ton frère. Pour le punir, Hérode Antipas avait mis Jean le Baptiste en prison
Dans la prison, Jean le Baptiste entend parler de Jésus. Mais Jésus ne correspond pas à ce que Jean disait dans sa prédication dans le désert : Il tient dans ses mains la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas.
Jésus n’est pas un messie qui poursuit les pécheurs et qui les menace des pires malheurs. Jésus annonce le Royaume des cieux et est lui-même missionnaire par la prédication, les exorcismes et les guérisons.
D’où la question de Jean Baptiste fait parvenir à Jésus : Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?
Jésus répond : Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la bonne nouvelle. Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute.
Dans sa réponse, Jésus reprend le passage du prophète Isaïe, que nous avons eu en première lecture. Il ajoute que le jugement se fait quand on scrute l’identité profonde de Jésus : Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute. On peut, en effet, se tromper tout à fait quand on essaie de discerner qui est Jésus. Ceux qui sont contre lui peuvent trouver toutes sortes d’arguments tirés de l’Ecriture, de la Bible. De même, ceux qui sont pour lui ont les mêmes textes de l’Ecriture, de la Bible.
Après avoir répondu aux disciples de Jean Baptiste, Jésus parle aux foules : Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? Un roseau agité par le vent ? Alors, qu’êtes-vous allés voir ? Un homme habillé de façon raffinée ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois. Alors, qu’êtes-vous allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète.
C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi. Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui.
La semaine dernière, Jean le Baptiste parlait du baptême de Jésus dans l’Esprit Saint et le feu. Aujourd’hui, c’est Jésus qui parle de Jean le Baptiste en le désignant comme un prophète, en le comparant à l’ange du Seigneur du livre de l’Exode et au messager du livre du prophète Malachie. Ce sont des comparaisons qui montrent que c’est bien Dieu qui a confié une mission à Jean le Baptiste. Jean parle vraiment au nom de Dieu dans sa prédication et le baptême dans l’eau comme signe de la conversion. Parmi les enfants nés d’une femme, Jean est certainement le plus grand. Sa mission est réellement extraordinaire.
Et, pour ses disciples, pour nous, Jésus donne aussi une clé pour saisir la mission de Jean le Baptiste. Si Jean est le plus grand comme enfant d’une femme, dans le royaume des Cieux, il n’est pas le plus grand, car il n’y est pas encore entré. Il est sur le seuil.
L’évangéliste Matthieu est en admiration devant la figure de Jean le Baptiste, et il nous fait contempler la mission unique, spécifique, de Jésus. C’est Jésus qui fait entrer dans le royaume des Cieux.
Le texte de Matthieu qui prolonge le passage de cette liturgie dit ceci : Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à présent, le royaume des Cieux est assailli avec violence ; ce sont les violents qui l’arrachent. Tous les prophètes en effet, ainsi que la loi (de Moïse), ont prophétisé jusqu’à Jean. C’est lui, si vous voulez bien comprendre, l’Elie qui doit revenir.
Jean est un prophète, comme la Loi de Moïse et les prophètes ; Jean n’est pas le Messie, la Parole de Dieu, qui manifeste en lui le royaume des Cieux. Désormais, pour entrer dans le royaume des Cieux, c’est Jésus qu’il faut écouter, suivre et annoncer.
En préparant la venue du Seigneur, nous pouvons perdre patience, car, à certains moments, nous avons l’impression que rien ne vient. L’apôtre Jacques nous invite à la patience : En attendant la venue du Seigneur, prenez patience. Voyez le cultivateur : il attend les fruits précieux de la terre avec patience, jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive. Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche (…). Prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur.
Je pense bien souvent à l’itinéraire de Jean le Baptiste dans sa prison. Il a reçu une mission extraordinaire de prophète et il est en prison pour avoir dénoncé le mal. Il entend parler de Jésus, mais il se demande s’il est bien le Messie. Finalement, Jean le Baptiste sera décapité pour satisfaire une femme qui vit dans le péché et qui en veut à celui qui a dénoncé sa faute auprès de son mari actuel. Quel itinéraire étrange ! Que doivent penser aujourd’hui ceux qui vivent en prison pour les mêmes motifs, parce qu’ils ont tout simplement témoigné de leur foi ? Eux ont besoin de patience, d’endurance et ils ont besoin de relire tous les prophètes pour croire que Dieu vient pour les sauver.
Pensons aujourd’hui et faisons un geste pour ceux qui, dans notre pays, vivent dans la pauvreté et l’oubli. Faisons confiance à l’action de Vivre-Ensemble.
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai
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