



Homélie des Funérailles de l'abbé Jean-Claude Brootcorne
Homélie des Funérailles de l'abbé Jean-Claude Brootcorne,
le 22 octobre 2016,
en la Basilique Notre-Dame de Bonne-Espérance
(Romains 5, 17-21 ; Jean 17, 1-3. 24-26)
Jean-Claude Brootcorne est né le 1er février 1937, à Haine-Saint-Paul, dans une famille de neuf enfants. Après avoir fréquenté l'Institut Saint-Joseph à La Louvière, pour les Humanités Latin-Grec, il entre au Séminaire en 1955. Mgr Himmer l'envoie au Séminaire Léon XIII à Louvain, pour le commencement de sa formation au ministère presbytéral. Jean-Claude est Licencié en Philosophie de l'UCL en 1958. Mgr Himmer l'envoie au Collège Belge à Rome, pour suivre la formation en théologie à l'Université Grégorienne, où il obtiendra la Licence en Théologie. Ordonné prêtre le 16 juillet 1961, Jean-Claude termine ses études et fait le service militaire comme aumônier militaire en Allemagne.
En 1963, il est nommé Professeur de Philosophie au Séminaire de Bonne-Espérance et Professeur de Religion à l'Ecole Normale ND de Bonne-Espérance à Braine-le-Comte. En 1964, il est nommé Professeur de Théologie dogmatique au Séminaire de Tournai, tout en gardant provisoirement quelques cours au Séminaire de Bonne-Espérance. Professeur à temps plein à Tournai, Jean-Claude est nommé, en 1969, Professeur de Théologie dogmatique à l'Institut Supérieur de Sciences Religieuses à Charleroi. En 1982, il quitte l'enseignement de la Théologie à Tournai, car il devient Directeur de l'Office Diocésain de l'Enseignement Religieux et Directeur de l'Institut Supérieur de Sciences Religieuses à Charleroi.
En 1993, Mgr Huard demande à Jean-Claude de devenir membre du Conseil épiscopal, comme vicaire épiscopal chargé de la formation permanente du clergé, des ministères et services d'Eglise, ainsi que des vocations. Il est nommé Président du Séminaire de Tournai. Jean-Claude quitte ses fonctions en 1997. Mgr Huard le nomme Responsable de la Maison diocésaine de Bonne-Espérance, une mission qui va compter plusieurs personnes en raison des nouveaux objectifs de la pastorale des jeunes. En même temps, il devient membre de l'équipe presbytérale du doyenné de Binche. Il garde des cours au Séminaire de Tournai, devenu également Institut Supérieur de Théologie du Diocèse de Tournai, jusqu'en 2004. A Bonne-Espérance, il sera appelé Chapelain de la Basilique et, par après, Recteur de la Basilique. Censeur des livres depuis 2000, Jean-Claude Brootcorne remet toutes ses charges à la disposition de l'évêque, en 2012. Il accède à l'éméritat.
Les années de formation initiale de l'abbé Brootcorne sont marquées par l'ambiance studieuse des universités à Louvain et à Rome, réalités qui avaient peu de liens avec la vie du diocèse de Tournai. C'est grâce à sa famille, à ses amis et à ses lectures que Jean-Claude est resté en contact avec la vie du diocèse. L'expérience d'aumônier militaire en Allemagne l'a plongé dans le réel des jeunes de l'époque. Au plan ecclésial, il a connu l'effervescence romaine avec l'élection du pape Jean XXIII et l'annonce de la célébration du Concile Vatican II. Les choses étaient en train de bouger.
Ayant reçu des responsabilités pour la formation initiale des prêtres du diocèse de Tournai, l'abbé Brootcorne a pu manifester la profondeur de sa vie spirituelle. A quelqu'un qui lui disait qu'il éprouvait des difficultés à faire oraison durant une demi-heure, il répondait : Essaie de faire oraison durant une heure. La prière, la nécessité de nourrir la vie spirituelle ont longuement transformé la vie de Jean-Claude Brootcorne. Il en allait de même pour la vie intellectuelle. La réflexion philosophique, qui a sa valeur en elle-même ; la réflexion théologique, qui cherche constamment ce qui est vrai, sans se soucier des modes passagères, ont permis d'aboutir à des exposés clairs, précis, structurés avec sagesse, en vue de donner une base solide du contenu de la foi et des invitations suggestives pour aborder les questions contemporaines de la société et les interrogations radicales des chrétiens des années 1960 à 1980. Ceux qui ont osé parler avec lui de leurs questions vitales, comme la présence du mal dans le monde, l'existence ou non de Dieu, les différentes dimensions du péché, la signification réelle de ce que l'Eglise enseigne sur la création, ceux-là ont rencontré quelqu'un qui les écoutait jusqu'au bout ; quelqu'un qui donnait un éclairage philosophique et un éclairage théologique ; quelqu'un qui était disponible à accompagner le questionnement jusqu'au bout, jusqu'au moment où la question posée ouvrait sur une décision personnelle libre et remplie de sagesse.
Même si Jean-Claude, comme confrère professeur au Séminaire, n'intervenait que rarement dans des conversations de table, il a largement mérité le titre de charmant confrère. Il savait rire aux éclats quand un séminariste racontait la fable du corbeau et du renard dans la langue d'Enghien, comme il savait compatir à l'épreuve d'un souffrant.
Les responsabilités qu'il a exercées pour la catéchèse des enfants et des jeunes, la formation théologique et pastorale des adultes, l'accompagnement de l'initiation chrétienne sacramentelle des années 1980, alors en pleine effervescence, l'ont mis en contact quasi quotidien avec des confrères très bien formés en ces différentes matières. Ce fut pour lui et pour eux une période enrichissante à beaucoup d'égards, et aussi une sorte de laboratoire pour discerner dans la mission de l'Eglise les signes avant-coureurs des grands changements qui ont eu lieu dans les années 1990 et 2000.
Chaque fois que l'abbé Brootcorne faisait un exposé, nous avions droit à la mise en lumière d'une question, à l'appel à différents lieux pour nourrir la réflexion et à une synthèse très équilibrée d'où les responsables pastoraux comme ceux qui n'avaient pas de responsabilité ecclésiale directe pouvaient tirer des conclusions, présentées comme autant de pistes pour la vie de l'Eglise et la vie personnelle.
L'abbé Brootcorne savait accompagner des groupes réellement très différents, avec des objectifs à première vue contradictoires en raison de la manière de comprendre la mission, la signification de l'Eglise dans la société. Pour garder l'équilibre au milieu des débats, parfois très tendus, l'abbé Brootcorne faisait du vélo, de la natation, de longues promenades avec des raccourcis bien à lui.
La maladie qui l'a frappé il y a des années lui a fait découvrir un aspect du mal, qui handicape beaucoup de fonctions de l'être humain. Dans ce combat, il a reçu une aide considérable de sa famille, de ses proches et de quelques confrères. La fraternité de la communauté de Bonne-Espérance et la présence de Notre-Dame, la Reine de ces lieux, l'ont beaucoup soutenu.
Pour décrire un tout petit peu l'univers de la foi dans lequel il baignait, j'ai choisi comme première lecture un passage de la lettre aux Romains, dans lequel l'apôtre Paul parle de la faute d'Adam. Quand le professeur Brootcorne citait ce texte dans son cours sur l'être humain, aux prises avec la question du mal, il présentait une étude du Père Stanislas Lyonnet, professeur à la Grégorienne. Il faisait remarquer qu'à première vue la faute d'Adam n'était pas si grave – manger du fruit d'un arbre défendu. C'était mal comprendre le péché d'Adam. Car s'il a fallu que Jésus meure sur une croix, condamné à mort par des instances religieuses avec la complicité de l'autorité romaine, pour enlever cette faute d'Adam, la rendre inefficace, et pour donner la vie qui ne finit pas à tout être humain, c'est que ce qui était en jeu était bien grave. C'est une manière de présenter la destinée de l'être humain immergée dans le dessein que Dieu a pour toute l'humanité. C'est aussi une manière de dire que tous sont appelés au salut, à partager la vie trinitaire. C'est ce que Jean-Claude reçoit de manière plénière en passant, avec le Christ, de la mort à la vie.
Le deuxième texte est un extrait de la prière de Jésus, la veille de sa mort, dans le IVème Evangile. Jésus parle de ceux que le Père, son Père, lui a donnés : Je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu'ils contemplent ma gloire, celle que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé avant même la création du monde. Père juste, le monde ne t'a pas connu, mais moi je t'ai connu, et ils ont reconnu, eux aussi, que tu m'as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître encore, pour qu'ils aient en eux l'amour dont tu m'as aimé, et que moi aussi, je sois en eux (Jn 17, 24-26). Jean-Claude entre dans la prière de Jésus Ressuscité qui fait connaître le nom de Dieu comme Père, afin que nous ayons en nous l'amour dont le Père aime son Fils, afin que le Fils établisse sa demeure en nous.
Merci Jean-Claude pour ton témoignage de disciple du Christ. Après avoir enseigné si longtemps, tu as fait de ta vie, entre autres dans l'épreuve, une offrande au Père à la suite de Jésus qui est passé de ce monde au Père. Uni au Christ dans sa prière, intercède pour nous, pour le diocèse, pour le monde entier.
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai
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