



Homélie du 8 février 2015 dans la Cathédrale de Tournai
Homélie
Vème Dimanche dans l’Année
Cathédrale
8 février 2015
Le Pape François a demandé que, dans le cadre de l’année dédiée à la vie consacrée, le dimanche 8 février 2015 soit marqué d’une attention particulière. En effet, les Unions internationales des Supérieures Générales et des Supérieurs Généraux des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique ont proposé au Saint-Père d’attirer l’attention de toute l’Eglise sur la Journée mondiale de prière, de réflexion et d’action contre la traite des êtres humains.
Les évêques de Belgique invitent les prêtres de leur diocèse respectif à contribuer à sensibiliser l’opinion publique ainsi que leur communauté ecclésiale sur ce tragique phénomène qui représente l’une des plaies les plus douloureuses de notre époque.
Qui est sainte Joséphine Bakhita ?
Joséphine est née vers 1869 à Olgossa, dans la province du Darfour, au Soudan. Elle est d’une famille de quatre sœurs et de trois frères. En 1874 - elle a 5 ans - une de ses soeurs est enlevée par des trafiquants d’esclaves. Quand elle a 9 ans, elle est la victime de négriers qui la vendent et la revendent cinq fois, sur les marchés d’El Obeid et de Khartoum, en lui infligeant de mauvais traitements. Le traumatisme est si grand qu’elle en oublie son nom. On lui donne alors le nom de Bakhita, qui signifie la chanceuse.
Elle appartient à un général turc – nous sommes dans l’empire ottoman – qui lui fait subir des scarifications cruelles, des tatouages ; elle est battue chaque jour jusqu’au sang. Elle gardera toute sa vie 144 cicatrices. En 1882, elle est vendue à un marchand italien pour le consul d’Italie à Khartoum, Calisto Legnani. Elle a 13 ans. Sa vie change radicalement.
Lors de la révolution mahdiste à Khartoum, en 1885, le consul d’Italie doit quitter le Soudan. Bakhita demande d’être emmenée. Elle est emmenée avec la famille Michieli. Les Michieli, arrivés à Gênes, demandent de garder Bakhita à leur service, et ils s’installent à Zianigo, dans la province de Venise.
Madame Michieli ayant eu une petite fille, elle en confie la garde à Bakhita. Les Michieli retournent au Soudan, avant de revenir pour de bon en Italie. Madame Michieli confie sa fille et Bakhita à l’Institut des Catéchistes de Venise, tenu par les religieuses canossiennes. Lorsque Madame Michieli veut reprendre sa fille, Bakhita demande de rester chez les religieuses. Madame Michieli s’y refuse. L’affaire passe en justice. Le 29 novembre 1889 - Bakhita a 20 ans - le procureur déclare que Bakhita est libre de choisir là où elle veut rester, puisque l’esclavage n’existe pas en Italie. Bakhita reste chez les religieuses et demande le baptême.
Le 9 janvier 1890, elle est baptisée et confirmée, elle fait sa première communion des mains du Patriarche de Venise, Mgr Domenico Agostini.
En 1893 - elle a 24 ans - elle demande de devenir religieuse. Le 7 décembre 1893, elle entre au noviciat des Sœurs de la Charité à l’Institut de Venise, les religieuses canossiennes. Elle prononce ses premiers vœux à Vérone, le 8 décembre 1896. En 1902, elle est transférée à Schio, dans la province de Vicenza, où elle a la charge de la cuisine, de la lingerie et de la conciergerie. En 1927, elle prononce ses vœux perpétuels. On la surnomme : la Petite Mère Noire.
Dès 1910, elle raconte son histoire à la demande de sa supérieure, sœur Margherita Bonotto. Elle meurt le 8 février 1947, au terme d’une longue et douloureuse maladie, une agonie pénible qui lui faisait revivre les jours de son esclavage. Elle murmurait : Lâchez mes chaînes, elles me font mal.
Béatifiée le 17 mai 1992, elle est canonisée par Jean-Paul II le 1er octobre 2000. Benoît XVI l’aime beaucoup. Il mentionne Joséphine Bakhita dans son encyclique « Spe salvi » (30 novembre 2007). Benoît XVI écrit : (Bakhita) chercha surtout dans ses différents voyages en Italie à appeler à la mission : la libération qu’elle avait obtenue à travers la rencontre avec le Dieu de Jésus Christ, elle se sentait le devoir de l’étendre, elle devait la donner aussi aux autres, au plus grand nombre de personnes possible. L’espérance, qui était née pour elle et qui l’avait « rachetée », elle ne pouvait pas la garder pour elle ; cette espérance devait rejoindre beaucoup de personnes, elle devait rejoindre tout le monde (n° 3).
Le Pape François nous demande, le jour où l’Eglise fait mémoire d sainte Joséphine Bakhita, de prier, de réfléchir et d’agir contre la traite des êtres humains.
Le Pape François a consacré le message pour la Journée mondiale de la paix du 1er janvier 2015, à la traite des êtres humains : Non plus esclaves, mais frères.
Il cite quelques exemples d’esclavage : les travailleurs et travailleuses, même mineurs, asservis dans de nombreux secteurs ; les migrants, privés de liberté, dépouillés de leurs biens ou abusés physiquement et sexuellement ; les personnes contraintes de se prostituer ; les esclaves sexuels ; les mineurs et adultes qui font l’objet de trafic et de commerce pour le prélèvement d’organes, pour être enrôlés comme soldats, pour faire la mendicité, pour la production ou la vente de stupéfiants, des formes masquées d’adoption internationale ; les mineurs et adultes enlevés et tenus en captivité par des groupes terroristes.
Face à ces situations, le Pape François demande de prendre nos responsabilités. Il souligne l’immense travail silencieux des congrégations religieuses, surtout féminines, en faveur des victimes. Il faut, en plus, un triple engagement, au niveau institutionnel, de la prévention, de la protection des victimes et de l’action judiciaire à l’égard des responsables. Les Etats, les organisations intergouvernementales, les entreprises, les organisations de la société civile, et nous-mêmes comme consommateurs de produits qui sont peut-être réalisés par des esclaves.
Nous avons eu comme première lecture de cette liturgie un passage du livre de Job :
Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre, comme le manœuvre qui attend sa paye, depuis des mois je n’ai en partage que le néant, je ne compte que des nuits de souffrance.
Dans l’évangile de Marc, Jésus guérit la belle-mère de Simon. Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons.
Bien avant l’aube, Jésus sort pour prier dans un endroit désert et il décide d’aller ailleurs, dans les villages voisins de Capharnaüm, afin que, là aussi, il proclame l’Evangile.
Dans la 2ème lecture, tirée de la 1ère aux Corinthiens, l’apôtre Paul écrit : Annoncer l’Evangile, ce n’est pas là pour moi un motif de fierté, c’est une nécessité qui s’impose à moi. Malheur à moi, si je n’annonçais pas l’Evangile.
Pour nous, en ce jour de la mémoire de sainte Joséphine Bakhita, annoncer l’Evangile, c’est annoncer que tout être humain est créé par Dieu, que tout être humain a une dignité qui est donnée par Dieu. De plus, tout être humain est sauvé par le Christ. Nous avons à témoigner de ce salut, non seulement en paroles, mais aussi en actes. Tout être humain est le Temple de l’Esprit, l’Esprit qui rend libre de toutes les formes d’esclavages. De cela aussi nous avons à témoigner.
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai
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