



La dimension politique de la miséricorde
Nous rendons grâce au Seigneur pour tous ceux qui, au lendemain de la guerre 1939-1945, ont remodelé la vie sociale en Europe afin d’éradiquer les racines de la guerre. De plus, un effort immense a été réalisé afin de supprimer la pauvreté collective, considérée comme un dysfonctionnement social. Il fallait, pour construire un ordre juste pour l’ensemble de la société, une nouvelle structure politique de l’Etat. Ce cadre a donné à tout être humain la possibilité d’organiser sa vie dignement et de manière autonome, la possibilité de participer à l’évolution de la société.
Chaque être humain a pu, à l’âge légal, participer aux élections législatives. La nouvelle structure politique de l’Etat a cherché à amortir les risques de la vie : l’âge, la maladie, le chômage, l’accident. Bref on a mis sur pied une solidarité institutionnalisée.
Septante ans plus tard, nous assistons à tellement de mutations que nous constatons que bien des personnes, bien des groupes vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Les jeunes diplômés ne trouvent pas d’emploi ; les chômeurs de longue durée n’ont pas d’avenir. Pourrons-nous encore longtemps bénéficier de la sécurité sociale telle qu’elle a été prévue à la fin des années 1940 et complétée au fur et à mesure des décennies ?
Dans ce cadre, voir affluer des réfugiés, des migrants peut faire peur. Le réflexe de protection individuelle et de la famille élève des murs, des contrôles, des refoulements aux frontières, des renvois au pays d’origine. Enfin, l’ambiance terrifiante nourrie par les attentats terroristes fait voir des ennemis partout. La protection de sa vie personnelle devient un objectif majeur.
N’y a-t-il pas une autre lecture des événements ? Est-il vrai que, pour construire l’avenir, seule la structure politique de l’Etat peut donner des orientations et prendre des décisions ? Je suis persuadé que la réflexion sur la miséricorde demandée par le Pape François doit prendre la vie sociale en compte. Il n’y a pas que la justice – à chacun son dû – pour construire la société. Il y a aussi autre chose. Venir en aide à celui qui a faim, qui a soif, qui est nu, étranger, détenu, malade, tout cela fait partie de la construction de la société. Remarquons que, dans l’évangile de Matthieu 25, Jésus ne parle pas de transgression de la Loi à ceux qui seront à la gauche du Roi ; Jésus parle tout simplement de l’omission, du bien que nous n’avons pas fait.
Osons réfléchir à une société qui a aussi comme fondement la miséricorde, et nous oserons prendre des initiatives nouvelles.